COVID-19 : Terrassons le coronavirus et la marchandisation de la santé.

Suite à la propagation du coronavirus, nous sommes contraint·e·s d’annuler nos événements y compris la Grande manifestation de la santé du 29 mars. Ce n’est que partie remise bien évidemment.

Pour l’instant, nous allons nous concentrer sur les problématiques liées aux conditions de travail et de soins en cette période de crise.

C’est, en effet, dans un secteur déjà en surcharge, en manque d’effectifs et sous-financé depuis des années, que nous allons devoir, nous soignant·e·s et personnel logistique, administratif et hôtelier, nous battre pour endiguer une pandémie sans précédent.

Retour sur le plan de crise du gouvernement

Nous avons appris avant hier les nouvelles mesures prises par le gouvernement en affaires courantes. Nous saluons les précautions et le souci pour les enjeux sanitaires qui touchent l’ensemble de la population. Le gouvernement a en effet finalement été à l’écoute des alertes données par le monde scientifique et par les professionnel·le·s du secteur, et comme nous le savons, ce n’est pas forcément à son habitude.

Néanmoins, nous restons perplexes sur certains points. En effet, nous notons le compromis qui a été réalisé pour maintenir l’activité économique des grandes entreprises, pourtant majoritairement non essentielle au bon fonctionnement de notre société. Il nous semble que les principaux acteurs économiques impactés par les mesures seront les travailleur·euse·s de l’horeca, les étudiant·e·s, le milieu culturel et associatif, ainsi que les petits indépendants qui ont parfois déjà du mal à boucler leur fin de mois. Nous comprenons bien l’idée derrière ces choix, et nous soutenons le principe : il faut éviter les concentrations de population. C’est à ce titre qu’il nous paraît dès lors absurde et dangereux de maintenir l’activité des grandes entreprises où l’on sait que des centaines de travailleur·euse·s vont se côtoyer et plus que probablement risquer de contribuer à la propagation du virus.

Nous sommes également inquiet·e·s par rapport à la question du maintien des salaires des personnes confinées ou dans l’incapacité d’aller travailler. En effet, la précarisation de la population va engendrer des dégâts sanitaires que nous redoutons fortement. Plusieurs études révèlent la corrélation immédiate entre le niveau de revenus et le niveau de santé de la population. Nous sommes donc très préoccupé·e·s par ce risque de paupérisation et par les difficultés d’accès aux soins qui ne vont pas faciliter la lutte contre le Covid-19. En effet, il est à noter, dans les annonces du gouvernement, l’absence d’intervention concernant la prise en charge des frais médicaux liés à cette pandémie. Nous sommes face, aujourd’hui, à un secteur de santé inégalitaire, fonctionnant à plusieurs vitesses. L’accès aux soins est de plus en plus conditionné au niveau du revenu des patient·e·s. Face au coronavirus les personnes à faibles revenus ont donc un risque de mortalité plus élevé. Nous ne l’acceptons pas.

Pour finir, on ne peut pas passer à côté d’une autre annonce stupéfiante : la Ministre de la Santé a défendu, au parlement, quelques heures avant les annonces concernant les mesures à prendre pour lutter contre la pandémie de Covid-19, un projet de loi visant à économiser 48 millions supplémentaires dans les hôpitaux du pays ; cela même alors que depuis des mois le secteur dénonce un épuisement généralisé, et appelle urgemment à un refinancement. N’a-t-elle décidément honte de rien ?

Alors, sommes-nous prêt·e·s ?

C’est la question que tout le monde se pose. Comme nous le disions plus haut, le coronavirus arrive comme une charge supplémentaire dans un secteur déjà à bout. Alors, bien évidemment, nous, personnel de la santé, nous allons faire preuve de solidarité et allons donner le maximum pour soigner l’ensemble de la population. Comme à notre habitude, dirons-nous, car c’est là le sens que nous donnons à notre travail.

Quelles seront les conséquences des économies imposées précédemment dans notre système de santé sur la capacité de prise en charge et de lutte contre la pandémie qui nous menace aujourd’hui ?

D’abord, il sera toujours plus difficile d’avoir davantage de soignant·e·s au chevet des patient·e·s. Des conditions de travail repoussantes ont eu raison des infirmières, depuis des années, créant une pénurie majeure.

Ensuite, la marchandisation du secteur a poussé les directions hospitalières à externaliser, précariser, sous-staffer des services essentiels au bon fonctionnement de la structure hospitalière. En effet, aujourd’hui plus que jamais, nous allons avoir besoin du personnel logistique, administratif et hôtelier en nombre, formé, motivé. Une attention particulière devra être donnée au personnel de l’entretien ménager, qui sera dans les jours à venir, tout comme les autres professionnel·le·s de la santé, certainement sur-sollicité.

Pour finir, le tournant managérial de la gestion hospitalière laisse des équipes soignantes sans supervisions professionnelles aptes à traiter les questions de santé. Heureusement que nous savons encore comment faire notre métier. Pour exemple, les soins à domiciles, laissés sans directives et qui ont eu le professionnalisme de se donner des guidelines propres et concrètes pour la gestion de la pandémie. De plus, la gestion managériale du « juste à temps » laissant les unités avec très peu de stock, ce qui présage des grosses pénuries de matériel.

Pour conclure, nous sommes conscient·e·s que nous allons devoir donner beaucoup de nos personnes dans cette phase sanitaire critique. Pour illustrer ces sacrifices, la direction du CHU Saint-Pierre a demandé « d’annuler toutes les vacances, récupérations et congés programmés jusqu’au mois de juin » de tout son personnel. Le personnel de la santé devra être sur le pont ces prochains mois, nous le savons. Ces mesures sont les prémices d’une réquisition qui nous guette, probablement. Mais quelles sont les contreparties proposées par les directions hospitalières et l’Etat pour le personnel de la santé qui sera amené à sacrifier beaucoup durant les mois à venir ? Pour l’instant, et une fois de plus, le personnel des institutions de soins se prépare à ce qu’on lui demande de nombreux efforts, sans la garantie d’une reconnaissance juste et nécessaire.

Aujourd’hui, plus que jamais, la population réalise l’importance d’avoir des effectifs en suffisance et du personnel soignant sur le terrain, formé et correctement payé, pour faire face aux problèmes de santé. Plus que jamais, nous savons que nous avons besoin de tout le monde dans cette fourmilière qu’est l’hôpital. Du personnel d’entretien au médecin, du laborantin au brancardier, un renfort global des effectifs est bel et bien urgent et nécessaire. Plus que jamais, le monde réalise que la santé est un droit pour toutes et tous, et qu’il serait inacceptable de laisser mourir ceux et celles qui ont peu de moyens. Plus que jamais, nous nous rendons compte que les entreprises privées ne suivent pas cette logique, en spéculant sur la maladie, les médicaments, les produits désinfectants, les masques, etc.

C’est pourquoi, plus que jamais, notre slogan « + d’effectifs, + de salaires et + d’humanité » fait sens, pendant et après la pandémie.

Préparons-nous à nous battre sur tous les fronts contre le coronavirus et contre l’austérité !

Nous demandons :

  • Une protection plus grande de la population en arrêtant toute la production non essentielle afin de limiter réellement au maximum la propagation du virus.
  • Des garanties claires de maintien des salaires pour toutes celles et ceux qui sont amené·e·s à arrêter le travail dans ce contexte de crise.
  • Une prise en charge par l’Etat avec participation importante des grandes entreprises pour toutes celles et ceux qui auront à subir une prise en charge médicale liée au coronavirus.
  • Un arrêt immédiat de toutes mesures d’économies dans le secteur de la santé.
  • Un refinancement massif du secteur pour faire face à cette situation et à toutes situations ultérieures. L’objectif doit être des soins de qualité gratuits pour toutes et tous.
  • Des contreparties sérieuses pour tout le personnel du secteur qui sera amené à travailler dans des conditions encore plus difficiles dans les semaines et mois à venir.

La santé en lutte.