Entretien avec Denis Huart : « La marchandisation de l’hôpital met en balance des intérêts sanitaires avec les intérêts économiques »

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La santé en lutte (LSEL) mène un combat de terrain sur les conditions de travail des soignant·es et contre la marchandisation de la Santé. Dans cet entretien, Denis Huart, membre de LSEL et infirmier, nous rappelle la centralité de la crise de l’hôpital dans cette « crise Covid » qu’ont préparé les politiques d’austérité et le new public management à l’hôpital. Il développe une vision de la santé publique qui va bien au-delà des seuls soins mais qui rejoint aussi des problématiques sociales, culturelles, écologiques en tant que facteurs qui jouent un rôle sur la santé. Il s’agit aussi, face à une politique gouvernementale menée par le haut et qui a montré toutes ses limites, d’esquisser une autogestion de la santé afin de prévenir les catastrophes.

Est-ce qu’une grande partie de ce qu’on appelle la « crise Covid », ce n’est pas tout simplement une crise de l’hôpital et de la santé publique, issue de l’abandon d’une logique de soins au profit d’une logique de vente de soins ?

On gère l’hôpital en pleine crise Covid comme on le gérait avant, c’est-à-dire en essayant de limiter au maximum les pertes financières, et les investissements structurels, et en essayant d’obtenir un certain niveau de rentabilité. En essayant aussi d’exploiter un maximum ce qui est exploitable, que ce soit les salarié·es ou la bonne volonté de la population. On a ainsi vu les directions hospitalières faire des appels aux dons pour des respirateurs ou faire des appels à bénévolat pour pallier une absence de financement correct face à la crise…

On n’écoute pas l’expertise, celle des scientifiques (qui avaient clairement annoncé la deuxième vague qu’on vit aujourd’hui), comme celle des travailleurs·euses de terrain qui alertent sur le manque de bras et de matériels pour faire face. Résultat : sept mois après la première vague et le premier confinement, on doit reconfiner, il n’y a pas de dépistage massif, et on maintient même des gens malades au travail ! En fait, la logique de marchandisation de l’hôpital met en balance des intérêts sanitaires avec les intérêts économiques. C’est pourquoi on va réduire les financements publics pour essayer de pousser le système de soins vers le secteur privé. C’était déjà le cas avant la crise Covid, cela continue aujourd’hui, même par temps de crise.

On souffre d’un manque de vision à long terme d’entretien et du soin du bien commun au profit d’une vision très court-termiste du profit qui ici, a été notamment guidé par la volonté de vouloir à tout prix rattraper le retard économique dû au premier confinement. C’est un mode d’action très général dans notre société, qui ne concerne d’ailleurs pas seulement les soins : c’est aussi pour ça qu’on exploite la planète et qu’on pollue massivement.