GAGNER ENSEMBLE !

Notre lutte est intersectorielle et interprofessionnelle. Le désastre auquel nous assistons aujourd’hui n’est pas le résultat d’un manque d’effectif ou de salaires pour une seule profession ou un seul secteur mais bien d’un problème global. C’est la conséquence d’un défaut structurel de politique de santé publique qui touche aussi bien le versant curatif que le versant préventif, et qui fait en sorte que l’ensemble des professionnel.le.s du secteur de la santé (toutes professions confondues) est acculé ! La tentation est grande alors de lutter uniquement pour sa chapelle et d’accepter des avancées sociales uniquement pour sa profession ou son secteur. Cela constituerait un grand danger pour le bien commun et ne résoudrait en rien la situation dramatique dans laquelle nous sommes plongé.e.s depuis plusieurs années et qui, suite à la crise Covid, se dévoile cruellement.

En effet, sans revalorisation pour l’ensemble des travailleur.euses et refinancement structurel, les mesures ne seront que partielles et insatisfaisantes. Si les infirmier·e·s sont mieux payées mais qu’il manque toujours autant d’aides soignantes ou de personnel d’entretien ou de logistique cela ne changera en rien la pénibilité, aussi bien des infirmièr·e·s que des autres professions. Si les moyens matériels et structurels sont insuffisants ce n’est pas en accordant un jour de congé supplémentaire à l’une ou l’autre profession que cela améliorera les conditions de production des soins de santé et au final nous resterons épuisé.e.s et la qualité des soins ne sera pas améliorée.

Importance d’une lutte interprofessionnelle

Une étude récente du KCE (1) révèle l’importance d’une lutte interprofessionnelle pour la Santé. Si aujourd’hui les soins sont parfois de mauvaises qualités c’est parce qu’il manque du personnel autour des patient.es ET autour des soignant.es. Ces dernières années, les métiers administratifs, logistiques et hôteliers ont été désinvestis, précarisés, externalisés sous prétexte d’austérité et de rendement. Le rapport du KCE prouve qu’une telle démarche met en danger les patient·e·s en chargeant le personnel soignant des tâches délaissées par ces métiers qui sont en manque de personnel.

Il faudrait donc réinvestir ces métiers logistiques, administratifs et hôteliers, ceci dans l’objectif de reprendre les tâches qui leur incombe sans pour autant se substituer aux infirmièr·e·s. Le KCE est clair et nous rejoignons cette analyse : « L’expertise des infirmiers doit être utilisée pour les soins infirmiers et non pour les tâches non liées à ces soins. Cela nécessite l’engagement de personnel de soutien mais celui-ci ne doit pas remplacer les infirmiers » (1).

Responsabilité patronale

Cette analyse est en opposition avec les projets d’aidante en soin ou d’assistante en soin prônées par les associations corporatistes. La solution est l’augmentation du nombre d’infirmièr·e·s auprès des patient·e·s et non la délégation des tâches de soin à un autre professionnel, ceci ne résoudra pas le déficit de la qualité des soins.

Nous rajouterons, pour plus de précision, que dans les tâches annexes aux soins, et qui n’incombent pas au personnel soignant, se trouvent également les tâches de management. La gestion d’équipe, la planification des horaires, les évaluations, etc. ne sont pas des tâches infirmières. Aujourd’hui, le management a tendance à augmenter tout en diluant les responsabilités managériales. Ceci a pour effet de rendre moins saisissable la responsabilité patronale. Enfin, sur le même sujet, les tâches médicales doivent être réalisées par le corps médical. La pénurie (organisée) de médecin fait retomber un nombre important de tâche médicale sur les infirmièr·e·s. Ceci ne constitue pas une fierté mais une charge supplémentaire qui détourne les infirmièr·es de leur métier, celui du soin.

En respectant nos spécificités mais en se renforçant les un·es les autres

C’est ainsi que nous pensons que la pénurie d’infirmièr·e ne se résoudra pas avec une vision corporatiste de la lutte. Si le métier est déserté c’est parce que l’ensemble des métiers autour ont été attaqué depuis des décennies et que la charge de travail des infirmières à par compensation augmenté. Il faut donc attirer la population vers le métier d’infirmièr·e en améliorant notamment les conditions de travail de cette profession, et ceci passera indéniablement par l’amélioration structurelle des conditions de travail de tous les métiers. De plus, sans changement de paradigme dans le secteur, la pression marchande et productiviste perdura. Les infirmièr·e·s continuerons a avoir l’impression de soigner des chiffres plutôt que les patient.es. Nous notons par contre qu’il est primordial de reconnaître les besoins spécifiques de chaque métier et de les défendre.

Luttons ensemble, infirmièr·e·s, sages-femmes, brancardièr·e·s, aides soignant·e·s, médecins, personnel de la lingerie, de la restauration, de l’entretien ménager, technicien·ne·s, secrétaires, laborantin·e·s, ambulancièr·e·s, patient·e·s, etc en respectant nos spécificités mais en se renforçant les un·es les autres.

(1) Dotation infirmière pour des soins (plus) sûrs dans les hôpitaux aigus