Lutte de la santé, lutte féministe !

Ce dimanche 8 mars est la journée internationale des droits des femmes, bien évidement nous participerons au cortège. Pour rappel le secteur des soins est à 75% composé de femmes, pour ce qui est des infirmières le pourcentage monte à 86,5%. Mais avant la manifestation nous serons aux Assemblées du 8 mars « Nos voix, nos luttes » pour parler des luttes des femmes, et en particulier de celle dans le milieu des soins !

« Qui prend soin des nouveau-nés, s’occupe des enfants et des personnes âgées, opte pour les métiers de service à la personne ? Des femmes. Qui, entre une activité professionnelle et des tâches domestiques et familiales, accomplit une double journée de travail ? Encore des femmes. Qui entreprend des démarches de réinsertion sociale, fait des courses, accompagne ? Toujours des femmes »[1].

Ces métiers et ces tâches sont celles du care. « Le travail de care désigne ainsi des activités spécialisées où le souci des autres est explicitement au centre, le travail des infirmières et des aides-soignantes par exemple »[2]. Dans l’objectif de réaliser ces activités spécialisées, les soignant·e·s doivent alors développer des compétences adéquates. Le fait d’anticiper les besoins sans qu’il ait été nécessaire d’en faire la demande ; d’être à l’écoute de la subjectivité, de la détresse, des interrogations, de la souffrance des patient·e·s ; de faire le lien entre les professionnel·le·s ; d’avoir la responsabilité de la coordination de l’ensemble des activités autour des patient·e·s, et de le faire en fonction des besoins de ceux/celles-ci ; de comprendre les non-dits, les silences, les colères et l’agressivité ; de se taire quand il le faut, de parler d’autre chose quand le besoin se fait sentir ; de répondre à la fragilité ; d’être sensible à la situation ; de savoir s’adapter à l’autre tout simplement avec bienveillance et professionnalisme, avec générosité et tact. Ces compétences sont historiquement invisibilisées, non payées ou sous-payées et pourtant elles requièrent de la professionnalité.

L’invisibilisation et l’exploitation de ces compétences est réalisée grâce au processus de naturalisation. Ce processus tente à faire croire que ces compétences sont innées au caractère des femmes et non développées, ce qui justifierait de ne pas les payer. Le résultat, c’est la perception des bénéficiaires, qui envisagent les soignantes « en termes de gentillesse, de douceur, d’empathie, qualités associées à la féminité ou au maternel. Celui qui en bénéficie ne sait pas ce qu’il en a coûté à la personne qui a produit le service et d’autant que celle-ci a anticipé sur ses besoins et y a généralement répondu sans qu’il ait eu à les exprimer »[3]. Pourtant ces compétences sont bel et bien développées par les professionnelles de la santé comme par les femmes de manière générale. De par l’éducation genrée et par la formation, des qualités et compétences ont été acquises pour faire face à ces situations et pour pouvoir réaliser ces métiers.

Et voilà l’origine de notre colère et de notre lutte face à l’invisibilisation de cette charge que nous portons en tant que soignant.e.s et en tant que femmes. Que faut-il entendre quand nous réclamons plus de reconnaissance ? La reconnaissance de quoi ? D’une certaine charge ? Quelle est-elle, si ce n’est celle des tâches et des compétences du care ?

La lutte des soignant·e·s est donc également une lutte pour la reconnaissance du travail du care qui est réalisé, et qui est trop peu reconnu. C’est une lutte qui vient opposer ce travail à la volonté de marchandisation et à la compression du temps humain, ainsi qu’à l’exploitation patriarcale. En effet, à qui profite ce travail si ce n’est aux hommes, qui eux ne doivent pas le réaliser et en bénéficient à moindre coût ? Enfin, comment réaliser le care si nous n’avons plus le temps humain pour le faire ? C’est d’ailleurs là que se trouve l’enjeu du management actuel : pouvoir bénéficier au maximum de la rationalisation et de l’exploitation de ce travail, de ces compétences.

A dimanche ! Rendez-vous place de l’Albertine à Bruxelles à partir de 10h.


[1] BRUGERE, F. Le sexe de la sollicitude. Seuil, 2008.

[2] MOLINIER, P. Au-delà de la féminité et du maternel, le travail du care. Champ psy, 2010, n°58, pp. 161-174.

[3] Ibidem