On n’est même pas considérés comme des humains en fait je crois? Tu travailles, et tu fermes ta bouche

Je m’appelle Megan et je suis étudiante en 4e et dernière année de soins infirmier. Je n’ai pas pour habitude d’étaler mes états d’âmes sur les réseaux sociaux. Mais je pense que, comme beaucoup d’entre nous, le moral commence à disparaître et j’ai besoin de me faire entendre et j’ai franchement beaucoup de choses à balancer.

Comme mes collègues étudiant(e)s, j’ai repris mes stages infirmiers en septembre. Tout en nous assurant d’avoir de bonnes conditions d’apprentissage, l’école nous fait aller en stage 4 jours semaine + une bonne partie des samedis pour rattraper nos heures de l’année passée. Sans oublier les cours à distance du vendredi. Bien. On nous a assuré des le premier jour d’école que nous serions protégés du covid et que nous ne rentrerons pas dans les confinements et surtout qu’on avait le droit de dire NON. D’accord, je fais confiance, ça m’a l’air bien.

Les chambres sont remplies

Sauf que, la situation actuelle est bien loin de ce que vous pouvez tous penser. Les cas de covid se multiplient plus vite que l’on peut les gérer, les chambres sont remplies, la tension est très présente.

Tu arrives pour faire ta pause, tu es déjà fatiguée de t’être levée à 5h du matin mais c’est pas grave c’est ton métier. Tu arrives au vestiaire et tu dois utiliser TA propre tenue de stage car tu es stagiaire (sauf dans certains services qui nous prêtent des tenues jetables… rares mais présents, merci à vous vraiment). Personnellement, l’organisation de mon casier est primordiale pour qu’à la fin de ma pause le propre ne touche pas le sale… J’ai pas envie de ramener le covid chez moi par dessus le marché. En fin de journée je vais laisser ma tenue dans mon casier quelques jours histoire que le virus meurt, heureusement j’en ai plusieurs.

Il est 6h du matin, tu as la peur au ventre devant l’ascenseur et tout en l’appelant en poussant sur le bouton avec ton coude tu te demandes: « combien il y a t’il de nouveaux cas covid aujourd’hui dans mon service? ».

Tu arrives à ton service, tu commences ton boulot et dans le feu de l’action l’angoisse disparaît car tu n’as qu’une idée en tête: assurer ton travail, soigner les gens et SURTOUT faire tes PREUVES en tant que stagiaire. Et encore, je n’ai pas encore fait mon stage aux soins intensifs. Non non, ça c’est pour dans 2 semaines mon stage aux soins intensifs covid.

Il est 13h. Tu peux enfin te poser pour manger et tu décides d’aller voir ton école virtuelle: un message t’y attend. « A tous les étudiants, vous êtes désormais autorisés à entrer dans les isolements covid. Merci de prévenir vos services ». Bien…

Est ce que je previens? Ou je fais semblant de rien? De toute façon si je ne rentre pas dans les covid je reste dans les couloirs toute la journée car ce jour là, pour 2 patients sains t’en as 6 qui sont covid… Donc évidemment tu n’apprends rien, en restant dans les couloirs.

Autorisés à entrer dans les isolements

Le lendemain, je décide donc rentrer dans les isolements, je serais protégée dans ma combinaison, tout ira bien. Tu t’habilles: désinfection des mains, cagoule serrée à ras du cou, masque canard, sur-blouse serrée à ras du cou, visière qui te compresse le crâne, double paire de gants… je prends mon matériel, c’est bon je suis prête.

Je respire, et c’est parti je rentre dans mon tout premier isolement covid….Oh tiens, ce patient est là depuis des jours et je ne l’avais jamais vu… en même temps il a le covid, il ne voit pas grand monde.

Déjà 5 minutes dans la chambre, qu’est ce qu’il fait chaud! 10 minutes, je commence à avoir de la buée sur mes lunettes et ma blouse me colle au corps. On se dépêche pour faire sa toilette pour sortir le plus vite possible! Et merde… j’ai oublié de prendre certain matériel et je ne peux pas sortir. Je vais devoir appeler et poireauter devant la chambre pour qu’on m’amène mes trucs… Je vais utiliser la sonnette d’urgence, ça ira plus vite. J’ai chaud, il fait 40 degrés ici ou quoi? 15 minutes a l’intérieur, je suis en nage, j’ai de la buée sur ma visière, j’ai mal à la tête car la visière me compresse le crâne, elle est peut être trop serrée? Ah non , si je la desserre elle tombe… Mes poumons commencent à pomper pour respirer car il fait trop chaud. J’ai le nez qui gratte mais impossible de le toucher. Ça y est, on a enfin fini, on se déshabille enfin et on sort de la chambre, ce sera quasi la seule fois de la journée que je verrai ce patient.

Je cours à l’évier le plus proche pour me laver les mains et les bras avec du savon antiseptique, je les lave comme si ma vie en dépendait… mes mains sont granuleuses et sèches à force de les désinfecter, j’aimerais avoir de la crème. Pas grave, j’en mettrai en rentrant chez moi.

Mon dieu, il me faudrait du déodorant, je pue et je suis trempée… Les prochains jours j’en mettrai un dans mon sac!

La journée est enfin finie, je rentre chez moi il est 15h, qu’est ce que je fais? Je dois faire mon TFE, j’ai des travaux de groupe à rendre dans 1 semaine, je dois faire mon rapport de stage, j’allume mon ordi… Ce n’est pas possible, à 15h15 je m’endors et je comate jusqu’à 18h… et encore, il faut qu’on me réveille pour manger sinon j’étais partie pour ma nuit. Je n’ai pas faim, je n’ai pas envie de manger, je suis juste fatiguée, j’ai mal partout et je suis tracassée parce-que je n’ai pas travaillé sur mes travaux pour l’école.

On soupe et on entend les infos: covid par ci, covid par la.. encore et toujours ce foutu virus, je n’en peux plus. Je pense à toutes ces personnes malades, je pense à ma famille inquiète et triste, on me demande à table si aujourd’hui je suis rentrée dans les covid? Je n’ose pas répondre… J’ai peur de les inquiéter.

Vraiment malade

Je n’ose pas tousser, que ce soit dans la rue, au magasin, en stage: je refuse d’être malade, ce n’est PAS POSSIBLE d’être malade car sinon tu seras mise en quarantaine et tu manqueras d’heures de stage… Je suis fatiguée, j’ai mal à la gorge, je tousse, je suis sub fébrile.. et merde je suis vraiment malade. Le lendemain, grosse grippe, impossible d’aller en stage. Tu sonnes au médecin, t’es mise en quarantaine. Et oui, ça y est, tu fais sûrement partie de la team covid désormais! En même temps, une bonne partie de tes collègues sont malades tu t’attendais à quoi?

Tu viens d’apprendre que l’horeca doit fermer, tu n’as donc actuellement plus de travail étudiant… et merde. Tu dois faire 2 à 3 pleins d’essence par mois pour aller en stage, pour ma part plusieurs fois à quasi 1h de route de chez moi, mais t’as plus de travail pour les payer.

Et merde, aujourd’hui on apprend que les magasins de vêtements sont fermés, les cinémas aussi, et tout est fermé en fait… comment je vais me réconforter maintenant?

Tous les jours j’ai peur, tous les jours je veux abandonner, mais tous les jours je me lève et je vais en stage effectuer le même travail qu’une infi diplômée pour pas un SOU.

Pas considérés

C’est pas grave, d’ailleurs certains disent : « nous sommes SOIGNANTS, on l’a VOULU, c’est une VOCATION et on a prêté SERMENT… Les stages sont faits pour APPRENDRE et non être PAYÉS. »

Oui, en effet on l’a voulu… Mais ne vous étonnez pas si les générations futures ne le voudront pas. Plus personne ne s’inscrit en infi et on comprend bien pourquoi!

PAS de VALORISATION de salaire, PAS de MAIN D’ŒUVRE, PAS de RECONNAISSANCE, pas de SÉCURITÉ… On n’est même pas considérés comme des humains en fait je crois? Tu travailles, et tu fermes ta bouche parce-que de toute façon tu vas pas aller manifester sinon tu laisseras crever tes patients sans surveillance!

Le gouvernement DOIT se réveiller et doit réparer TOUTES LEURS ERREURS effectuées sur le système santé depuis bien trop longtemps parce qu’à présent TOUT LE MONDE SOUFFRE et ça a assez duré ! On envoie pas les soldats à la guerre sans arme, c’est quand que vous allez comprendre ça ?!

Metro-boulot-dodo voilà à quoi nos vies se résument à présent et la boule au ventre, tous les jours, on recommence.

Pas encore diplômés, nous vivons déjà l’impensable.

Je soutiens mes collègues soignants ainsi que l’ensemble du personnel hospitalier. Je suis fière de vous aider, même si c’est difficile. Nos conditions, ce n’est pas de votre faute. Chaque personne compte, c’est tous ensemble que nous y arriverons!

Je soutiens mes collègues de l’horeca, vous me manquez..

Je soutiens également tous les commerces qui ont du fermer et certains d’entre eux définitivement.

Et toutes ces personnes malades, qui perdent un proche ou qui sont tout simplement très affectés par cette situation… Je pense bien à vous.