SOIGNANT = CHAIR A CANON?

« Ça aurait été plus facile pour moi de pouvoir respecter la quarantaine. Mais en étant en contact avec les directions infirmières de différents hôpitaux, on sait qu’il n’y a pas le choix. On manque de personnel soignant. » (1)

« Positifs, des soignants continuent le travail » titre la RTBF (1)

Malgré leur contamination au Covid-19, beaucoup de soignant.es sont forcé.es de continuer à travailler. Cette situation comporte un risque sanitaire important pour la population et une mise en danger des travailleur.euses.

pénurie de personnel soignant

Il y a pénurie de personnel soignant… Est-ce une raison pour mettre en danger ceux/celles qui exercent et les patient.es soigné.es?

Karim Brikci, permanent CGSP pour les hôpitaux Iris, et membre de La santé en lutte: « Ca fait des mois qu’il y a des mots d’ordre oraux de mise au travail du personnel positif asymptomatique. Dernièrement, une note a circulé dans des services de certains hôpitaux où il est écrit très clairement que le personnel positif asymptomatique peut continuer à travailler dans le strict respect des règles d’hygiène. On est dans un contexte particulier où l’objectif est de maintenir l’entièreté de l’activité de nos hôpitaux. Ça ne peut pas se faire à ce prix-là » (1)

Contrairement à ce que peuvent affirmer certaines directions hospitalières (2), nous sommes témoins d’infections hospitalières au Covid-19. Il y a donc, dans les établissements de soins, des clusters. Autrement dit, tout comme les travailleur.euses, des patient.es attrapent le Covid à l’hôpital. Cette situation est grave et n’est pas sans évoquer la situation dans les maisons de repos lors de la première vague.

Déresponsabilisation

Au lieu d’assurer une mise en quarantaine systématique des travailleur.euses Covid+ (symptomatiques et non symptomatiques) et ainsi protéger les travailleur.euses et les patient.es, certaines directions hospitalières tentent de nous servir la soupe individualisante.

En effet, pour se dédouaner de quelconque responsabilité, l’accent est mis sur la faute individuelle. Pour justifier cette responsabilisation individuelle, encore une fois, les médecins hygiénistes sont appelés au parloir. Lors de la première vague, ils ont souvent servi à légitimer la gestion managériale des stocks et du personnel en adaptant les règles d’hygiène (durée du port du masque, niveau de protection, port multiple de blouses, etc.). Rien ne change.

« Nous avons clairement le sentiment que le virus circule beaucoup plus parmi le personnel soignant que lors de la première vague. Le virus se propage dans la sphère privée, et puis nous observons aussi des contaminations entre membre du personnel, notamment lors des repas » Affirme Anne Simon, médecin hygiéniste au centre hospitalier Jolimont. (3)

La manipulation est évidente. Au lieu de remettre en question la non mise en quarantaine du personnel positif et asymptomatique, on questionne son comportement lors des repas ou dans sa vie privée. Le problème n’est plus alors : faut-il écarter le personnel positif ? est-ce dangereux d’avoir du personnel positif qui travail aux cotés de collègues négatifs, auprès de personnes fragilisés par la maladie ? faut-il tester massivement le personnel ? mais : comment maintenir le personnel en place, même positif, en culpabilisant les individus, les rendant ainsi responsable de la propagation du virus dans les institutions de soins ?

Il est nécessaire d’être pédagogue, de donner les informations nécessaires, et d’attendre de la population, des travailleur.euses, des soignant.es, un comportement raisonnable ; mais il ne faut pas dédouaner nos autorités de leurs responsabilités.

Double activité, report de soins et perte financière.

Un pression importante est mise sur le personnel soignant car il y a un enjeu majeur à ne pas répéter la situation de la première vague qui consistait à reporter toutes les interventions non urgentes. Ce schéma a provoqué un retard considérable de soins. L’état de santé de nombreuses personnes s’est aggravé par manque d’accès aux soins ou par peur de se présenter dans un hôpital.

Mais le bien être de la population n’est pas forcément le seul argument pour maintenir l’activité « classique » des institutions de soins. En effet, les directions hospitalières craignent d’aggraver leur situation financière en reportant une activité lucrative à leurs yeux (les soins, interventions, consultations, examens, etc).

« Les interventions habituelles se dégradent en raison de la crise corona. Les interventions sont reportées et le Covid prend plus de place, ce qui a des conséquences sur les finances » Christophe D’Haese, bourgmestre N-VA d’Alost (5)

La pression financière, résultat d’une austérité budgétaire et d’une marchandisation continue de la santé, pousse ainsi les directions hospitalières à un « chacun pour soi » mettant à mal le principe de solidarité et jouant avec la vie de certain.es patient.es. Certains hôpitaux refusent des transferts, mentent sur leurs chiffres, pour éviter d’impacter leur activité financière.

« – Donc c’est une question de gros sous ?
– Oui c’est une question de sous mais… »
Renaud Mazy, directeur des Cliniques Universitaire Saint Luc, au micro de Thomas Gadisseux sur La Première (6)

La situation est grave.

Quel calcul font nos dirigeants? Mettre en danger le personnel soignant aujourd’hui pour qu’il y en ait encore moins demain? Cette vision court-termiste est assez typique de la gestion gouvernementale depuis le début de la crise.

Devons-nous rappeler que des soignant.es sont mort.es, que d’autres n’en sont pas sorti.es indemne?

« Notre inquiétude première est de pouvoir compter sur un nombre d’infirmier et d’aide-soignant en suffisant » (6) Pierre Van den Berge, directeur des soins infirmiers à l’hôpital de Nivelles.

Depuis des années nous dénonçons les coupes budgétaires qui dégradent nos conditions de travail et qui font fuir le personnel soignant. Aujourd’hui nous sommes face à une crise majeure et l’État est dans l’incapacité de pouvoir y répondre car il a lui même provoqué cette situation en répondant systématiquement par l’austérité.

Nous payons les choix politiques d’hier: la marchandisation des soins voulue par le néolibéralisme, l’austérité budgétaire, le productivisme, le flux-tendu, etc.

Aujourd’hui la recette ne change pas, l’austérité semble toujours au programme de notre nouveau gouvernement. Est-ce vraiment raisonnable?

L’austérité tue ! Répondre à la crise sanitaire par l’austérité c’est être complice de celle-ci ! Il serait grand temps de mettre l’idéologie libérale au placard et de faire des choix concret de solidarité.

Engager c’est possible, revaloriser c’est possible, augmenter les salaires c’est possible, renforcer tous les métiers du secteur de la santé c’est possible. Pas demain ! Aujourd’hui ! De l’argent il y en a. C’est un choix à faire : préserver les intérêts des grands capitaux ou sauver des vies.

Demain sera fait des choix que nous poserons aujourd’hui.

Sources:

(1) https://www.rtbf.be/…/detail_testes-positifs-au-coronavirus…

(2) https://www.rtbf.be/…/detail_des-infirmiers-travaillent-alo…

(3) https://www.rtbf.be/…/detail_coronavirus-en-belgique-le-vir…

(4) https://www.rtl.be/…/be…/societe/hopitaux-lits-1251413.aspx…

(5) https://www.rtbf.be/…/detail_a-alost-la-limite-de-la-dignit…

(6) https://www.rtbf.be/…/detail_l-invite-de-matin-premiere-ren…