Je suis vue comme une pestiférée

Je suis une jeune infirmière, je débute dans le métier, je devrais « faire mes armes » comme on dit… Or, on peut dire que je démarre sur les chapeaux de roues ! En commençant ce métier, je savais que ce ne serait pas facile tous les jours. Je savais également que c’était un secteur très/trop touché par les restrictions budgétaires. Et en effet, très vite j’ai pu le constater…

Maintenant, avec le COVID-19 nous en mesurons bien toutes les conséquences.

Bref, tout cela concerne mon métier que j’ai choisi et que j’aime beaucoup malgré ses difficultés. Mais là où ça devient très compliqué, c’est lorsque j’ai fini de travailler. Au moment où j’aimerais rentrer chez moi, souffler, me reposer….

En effet, beaucoup de gens nous applaudissent tous les soirs et nous soutiennent… de loin ! Mais qui parmi eux seraient prêts à partager leur table, nous côtoyer au quotidien ? Là, tout le monde quitte son balcon et rentre chez lui ! et moi, je me retrouve seule….

J’habite ou je devrais dire j’habitais dans une colocation. Comme beaucoup de jeunes qui n’ont pas encore les moyens de payer seuls un loyer, nous partagions une maison à quatre. Très vite, mes colocataires m’ont annoncés que je n’étais plus la bienvenue. Ils ne voulaient pas prendre le risque d’être confiné et de tomber malades. Je me suis alors réfugiée chez mon copain, dans un kot d’étudiants. Pas évident de récupérer d’une nuit de travail dans ces conditions. Mais ce n’est pas grave, je m’adapte…

Si dans un premier temps tout se passait bien, c’était sans compter sur ce maudit virus qui gagne du terrain, et cela va de pair avec l’augmentation de l’anxiété des gens. Les petites phrases assassines font leur retour : « ce n’est pas judicieux de vivre avec une infirmière qui travaille», « « tu vas nous contaminer » …. C’est d’autant plus difficile à vivre que je sais qu’ils ont raison. Moi-même, j’ai la boule au ventre à l’idée d’être potentiellement porteuse et de contaminer quelqu’un.

Que puis-je faire ? Où puis-je aller ? Je demande juste un endroit où je peux me réfugier en dehors de mes heures de travail. Un endroit où je ne serai pas sans cesse considérée comme une possible pestiférée. Un endroit où je pourrai me reposer et me ressourcer avant d’entamer le combat du lendemain.

En écoutant les médias, je réalise que je ne suis pas la seule à vivre ce cauchemar ! Ne peut-on pas nous aider ? Il y a beaucoup d’hôtels vides, ne peut-on pas en récupérer un à côté de chaque hôpital pour que les soignants qui seraient rejetés comme moi puissent se réfugier sans crainte de contaminer son entourage ?

Nous avons déjà des journées difficiles avec beaucoup de stresse. N’y a-t-il pas moyen de trouver des solutions pour que nous ne devions pas mener un deuxième combat après nos heures ; celui d’être acceptés chez nous ?