Un goût amer dans le fond de la bouche

Article initialement publié sur le site du Guide Social
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« Malgré tout le boulot qu’elles ont, je suis contente que les infirmières aient une minute pour vous parler »
Maggie De Block

Un goût amer dans le fond de la bouche. Voilà ce qu’il me reste de la manifestation du 13 septembre 2020. Mais pourquoi donc, me direz-vous ? Le fait de rester trop longtemps masqué ? Un effet secondaire du spray poivré sans menthe desservi par nos Forces de l’Ordre confondant la place de l’Albertine avec leur salle clandestine de Free Fight ? Possible…

pour faire entendre leur voix

En 2020, manifester pour quelque chose qui, a priori, devrait couler de source, c’est faire face à des arrestations arbitraires. C’est également être vu comme une personne dangereuse, qu’il faut cadenasser, violenter ou blasphémer. Un danger pour quoi ? Pour qui ? Non, mais se rassembler par les temps qui courent, c’est juste indécent, ai-je entendu. Ah bon ? Et donc, personne ne s’interroge honnêtement sur le fait que des infirmiers, des médecins, des kinés, des psy, des sages-femmes et d’autres acteurs de la santé actifs dans la lutte contre le coronavirus se donnent rendez-vous, malgré les risques, pour faire entendre leur voix.

On peut taxer les gens d’inconscience, mais dans ce contexte, il n’y a pas plus éclairé que les personnes qui ont vu et qui voient encore au quotidien la problématique d’un virus qui se transmet rapidement. Sont-ils donc fous ? Incompétents ? Ont-ils vraiment le choix ? Tourner le dos aux Élus, ça ne suffit pas. Attendre vaillamment les promesses ? Ça ne suffit plus. Bref, pourquoi nos soignants agissent-ils de la sorte, diantre ?
Quand le bateau coule, on n’a pas vraiment le choix

Pour mieux comprendre, rien ne vaut une bonne vieille métaphore. Quand on s’indigne d’une telle manifestation, c’est un peu comme si on demandait aux passagers du Titanic de ne pas aller dans l’eau, car ils risquent de souffrir d’hypothermie à en mourir. Irait-on dire à ces braves gens de faire comme l’orchestre et de continuer à jouer leur rôle jusqu’à ce que mort s’ensuive ? Sauter dans l’eau, c’est prendre un risque, certes, mais quand le bateau coule, on n’a pas vraiment le choix.

Ce n’est donc pas par envie de se retrouver un dimanche à marcher dans les rues de Bruxelles que les soignants se rassemblent, c’est pour crier que si l’on ne fait rien, il n’y aura bientôt plus de bateau, plus rien.

En attendant, le risque est pris, même si la plupart d’entre nous étions masqués, distants et courtois. Et aux questions redondantes de type est-ce cela changera quelque chose ou la plus traditionnelle : est-ce réellement nécessaire ? Mais j’espère bien ! Continuerons-nous à descendre dans la rue ? Oui, quitte de devoir crever entre les matraques des policiers qui nous ordonnent de retirer nos pancartes, nos blouses blanches ou toute parure qui fait de nous des soignants pour pouvoir mieux taper sans que ça fasse tache, parce que d’une manière ou d’une autre, je refuse de jouer du violon sur un air de Céline Dion. »

T. Persons