violences policières (3,4,5)

Les charges injustifiées de la police contre notre rassemblement et les violences qu’ont subit plusieurs personnes ce dimanche sont une attaque contre l’ensemble de notre manifestation et contre notre droit à défendre nos revendications.

Il ne fait pas de doute qu’il y a depuis le début des négociations avec le bourgmestre Philippe Close, une volonté de faire taire la parole des soignant.e.s.

Le fait de charger notre rassemblement alors que nous terminons simplement nos discours est un acte politique clair d’intimidation. Ce qui s’en suit comme violences policières est le résultat de cette agressivité.

La police reçoit ses ordres du bourgmestre Close, qui est politiquement responsable de la violence faite aux soignant·e·s et leurs soutiens. Nous n’avons eu, jusqu’à aujourd’hui, aucune réaction de sa part.

Témoignages :

(3) Mais qu’est-ce qui s’est passé rue de la régence ?

Cette question, je me la pose toujours, 24h après les faits.
Pourquoi une trentaine de personnes ont-elles été encerclées,
bousculées, plaquées au sol et frappées par des dizaines de policiers agressifs et lourdement équipés ? Difficile de trouver une logique derrière ces événements, alors je vais m’en tenir aux faits.

Il est environ 15h30. La manifestation du personnel soignant est terminée et on discute par petits groupes place de l’Albertine. En voyant débarquer en nombre robocops, autopompes et une sorte de milice habillée en noir, on se disperse rapidement. Je remonte vers la place royale dont 2 sorties sont bloquées par des cordons de police. Je m’engage donc dans la rue de la régence. La situation est parfaitement calme. Des personnes isolées et quelques groupes dispersés, qui n’ont rien d’une « foule », marchent sur les trottoirs, d’autres attendent à l’arrêt de tram. Pas un slogan, pas un cri, personne ne court. Bref, aucune agitation jusqu’à ce qu’une voiture de police s’arrête au milieu de la chaussée et qu’en sorte le commissaire Vandersmissen, survolté. Il se dirige droit vers 2 personnes qui marchent un peu plus loin sur le
trottoir devant moi. Je n’entend pas ce qui ce dit mais je les vois tendre leurs cartes d’identité. Je ralentis, puis m’arrête près de la scène, j’hésite à passer. A part Vandersmissen qui s’agite et crie un peu, tout est encore très calme. J’entends alors le commissaire dire au talkie-walkie : « Fin du maintien de l’ordre, on passe en ‘pick-up’, attrapez-en le plus possible ».

spray lacrymogène

Ensuite, en quelques secondes, la scène devient hallucinante. Vandersmissen sort son spray lacrymogène et asperge à bout portant un des 2 types arrêtés. Je sens du mouvement derrière moi et me retourne pour voir une rangée de robocops qui avance à vive allure. La confusion s’installe. J’essaie d’avancer sans passer près de l’arrestation mais je
comprends vite qu’on est pris en tenailles. Je vois des flics plaquer quelqu’un au sol avec une brutalité dingue. Des policiers courent et crient un peu partout autour de moi. Je n’ai pas trop le temps de réfléchir et ne sais pas où aller. J’ai juste le temps de voir une enfant qui a l’air terrorisée avant de me faire pousser vers le trottoir d’en face. Passant à nouveau près de Vandersmissen, je l’entends dire :
« Pas besoin de motif, c’est ça la démocratie, je fais ce que je veux. » Tellement ça parait gros, je décide de noter mentalement ces paroles pour m’en souvenir précisément.

Je me retrouve entassée avec une petite trentaine de personnes. Impossible de maintenir la moindre distance entre nous, on est écrasés entre une ligne de robocops (dont la plupart ne porte pas de masque) et une barrière. Le type plaqué au sol est emmené vers une camionnette. Alors qu’il ne se débat pas, il se fait toujours violemment malmener. A
part ça, la situation redevient un peu plus calme. C’est alors qu’une jeune femme se fait empoigner sans ménagement. Ils se mettent à plusieurs sur elle et l’attrapent à la gorge et par différents côtés alors qu’elle est visiblement en panique. Ce qui me choque surtout, c’est peut-être bête, mais c’est le silence des policiers. Ils n’essaient même pas de lui parler, de lui dire ce qui se passe. Ils l’attrapent maladroitement comme on attraperait un animal apeuré, la soulèvent du sol et finissent par la plaquer violemment par terre elle aussi, en la maintenant à plusieurs.

stupeur

Dans notre petit groupe compacté, c’est la stupeur, l’énervement, les pleurs, l’incompréhension, les interrogations. On se parle. Certains étaient à la manif, d’autres attendaient le tram, d’autres encore marchaient simplement sur le trottoir. Plusieurs personnes n’étaient pas au courant qu’il y avait une manifestation. Une ado est en pleurs dans les bras de sa soeur. D’autres mineurs sont présents mais l’enfant que j’avais aperçue plus tôt n’est heureusement pas avec nous. On cherche à savoir ce qui va se passer mais peu de gens ont des réponses. Pour beaucoup il s’agit de leur première manif, pour quasiment tout le monde d’une première arrestation. Enfin, un policier nous dit qu’on est tous arrêtés et qu’on va être fouillés en séparant hommes et femmes puis emmenés dans des bus.

Quelqu’un interpelle Vandersmissen en lui disant que certaines personnes ne savaient même pas qu’il y avait une manifestation. Il s’amuse : « Hé oui, encore une bavure. » [Plusieurs témoins confirment ces paroles]

La suite est sans doute plus habituelle mais reste impressionnante pour moi qui n’avait jamais été arrêtée : la fouille, le mépris, l’absence de réponses aux questions, les colsons serrés fort dans le dos et qui scient les poignets, le bus qui fonce à toute allure sans raison apparente, les cellules de béton froid. A noter : une policière nous ordonnait de retirer notre masque pour nous prendre en photo. Quand j’ai demandé pour pouvoir me laver les mains avant, j’ai essuyé un refus net et on me l’a arraché de force …

Enfin, après plus d’une heure d’arrestation, un motif m’est donné : trouble à l’ordre public. J’ai encore du mal à faire coïncider ces mots avec une forme de réalité.
« Trouble à l’ordre public ». Mais quel ordre a-t-on pu bien troubler en quittant calmement le lieu d’une manifestation, en marchant tranquillement sur un trottoir ou en attendant un tram ?

Sérieusement, je me demande ce qui a fait qu’on en arrive là. Quel besoin y avait-il que des enfants voient ce genre de scène traumatisante : des lignes de robocops qui fondent sur des gens, des personnes brutalement plaquées au sol, des chiens sans muselière qui s’excitent à quelques centimètres de gens entassés qui n’ont de toute façon aucune possibilité de fuir … Qu’est-ce que c’est que ça ?

casernes d’Etterbeek

« Qu’est-ce que c’est que ça ? », c’est aussi la question qu’a posée aux policiers la mère d’une des mineures en venant la chercher devant les casernes d’Etterbeek. Après s’être entendu dire qu’elle devrait mieux éduquer sa fille (à quoi? à rester chez elle plutôt que de marcher sur un trottoir?), le fonctionnaire de police a complètement perdu son sang-froid et a hurlé à pleins poumons : « Connasse! »

Impossible pour moi de comprendre d’où venait le cri rempli de haine de ce policier, tout comme il m’est impossible de comprendre rationnellement les raisons de ce qui s’est passé. Tout ce que j’arrive à me dire, c’est qu’il faut sans doute simplement prendre Vandersmissen au pied de la lettre quand il dit qu’il n’y avait pas de raison, qu’il fait ce qu’il veut et qu’il sait très bien qu’il s’agit d’une bavure. La nuit dernière, j’ai mal dormi. Ces mots repassaient dans ma tête, et aussi le ton sur lequel il les a dit. Ce ton hautain et méprisant de quelqu’un
qui sait très bien que rien ne peut lui arriver.

Depuis hier, je me suis renseignée sur le commissaire Vandersmissen. J’ai compris que, s’il était toujours en place malgré d’innombrables témoignages de sa brutalité et d’actes illégaux, il ne peut effectivement rien lui arriver et que – pour des raisons que j’ignore – le bourgmestre actuel de Bruxelles comme les bourgmestres précédents n’osera sans doute jamais l’écarter. Je me dis donc qu’il serait sûrement plus utile de parler des revendications de la manifestation, des conditions de travail inhumaines du personnel soignant, de l’abandon des maisons de repos durant la première vague Covid, de la marchandisation de la santé … « 

(4) Ce dimanche, je suis allée à la Grande Manifestation de la Santé. Je suis kinésithérapeute

A la fin de la manifestation, je suis sur le chemin du retour avec mes amis, rue de la Régence, il est 16h. Pas d’agitation dans cette rue, moi et mes amis nous ne sommes alors plus des manifestants, mais nous sommes de simples passants qui rentrons chez nous. Rien de spécial, personne ne manifeste, pas de pancartes, pas de slogans mais un homme avec ses courses, des enfants, des ados qui attendent leur tram. Dans cette rue, il y a une voiture de police et un homme qui est dos au mur, il attend, il est calme. Nous marchons sur le trottoir d’en face, on ne voit pas très bien ce qui se passe. Ça ressemble à un contrôle d’identité.

Le policier qui fait ce contrôle, ce n’est pas n’importe qui, mes amis le reconnaissent vite car il ne porte pas de masque. C’est le commissaire Vandersmissen, c’est pas un mec lambda. On le regarde de loin. C’est à ce moment précis que les choses dérapent. Au moment où le commissaire envoie un bon coup de lacrymo dans les yeux de l’homme qui se fait contrôler. De loin impossible de savoir ce qu’il se passe, mais je suis certaine que l’homme qui se fait contrôler était calme. Ce geste violent et disproportionné ne passe pas inaperçu.

barrage de policiers

La plupart des passants s’arrêtent, des « Hooo » sortent de la foule, en solidarité avec la victime du jet de lacrymo. Moi aussi je m’arrête. Cette solidarité, c’est sans doute cela le problème aux yeux du commissaire. Mais très vite, et je n’en suis pas spécialement fière, je me dis « avance, ne rentre pas dans une embrouille qui n’est pas la tienne » . Un acte lâche, un bon petit mouton qui passe son chemin. Pas le temps de faire quelques mètres que l’on se retrouve face à un barrage de policiers, habillé en tenue de combat (protège-tibia et bouclier). Ils forment une ligne et nous empêchent de passer. Je ne me sens pas concernée par ce barrage, ce n’est pas moi qu’on veut bloquer. Je me plaque d’abord contre la barrière pour les laisser passer mais ils ne semblent pas contents. Les policiers ne disent rien. Je m’approche alors de l’un d’eux pour lui demander de nous laisser passer, nous ne sommes pas concernés par ce qui se passe dans la rue. Pas de réponse.

D’un coup, le barrage avance et nous pousse violemment. Je suis bloquée entre un policier qui me donne des coups de bouclier pour que je recule et les autres passants, terrifiés. Une femme à coté de moi prend aussi des coups de bouclier, mes souvenirs sont flous, mais je la vois crier « Arrêtez vous me faites mal !! ». Une autre femme crie « Que doit-on faire ? Vos ordres ne sont pas clairs ». J’ai l’impression d’être dans un mauvais film. La couleur de mon bras aujourd’hui atteste de la violence de ce moment-là.

Des hommes en civil arrivent en courant, ils enfilent un brassard de la police. Ces hommes sont des policiers, des gros bras, mais ils n’ont pas de matricules visibles. Nous sommes une vingtaine de passants attroupés, les policiers nous encerclent. Je regarde les gens autour de moi, tout le monde à les larmes aux yeux, le sentiment général est l’incompréhension et la peur.

« un des gros bras lui saute dessus »

Je vois alors une jeune femme seule dans la rue. Je vois qu’elle refuse que le commissaire la touche. Elle est calme, elle n’est pas violente mais elle ne se laisse pas faire. Mon Dieu qu’elle est forte, elle n’est pas un bon petit mouton. La seconde d’après, un des gros bras lui saute dessus, c’est un match de rugby en direct. Je ferme les yeux, je n’arrive pas à regarder autant de violence gratuite. Je n’ai pas vu la suite, mais j’entends autour de moi les autres passants crier « Lâchez-la, lâchez-la !! ». Cette femme prend des coups.

Dans le groupe une jeune fille mineure pleure dans les bras de sa soeur, elle panique. « Ils vont tous nous frapper ». Je n’ose même plus regarder autour de moi, je me mets face à cette jeune fille et j’essaie de la rassurer. Bien après, mes amis me diront que d’autres personnes ont reçu des coups dans cette rue, dont un homme qui a essayé de défendre la jeune femme.

Les choses se calment quand tous les mauvais moutons ont été matés par les gros bras. On doit sortir nos cartes d’identités, on ne nous explique rien. Le commissaire Vandersmissen passe devant nous, nous regarde avec un sourire en coin. Il vient voir quel type de poissons il a attrapé dans son filet. Il nous toise ouvertement, tout le monde va être arrêté, même les mineurs. Un par un, on nous fouille et on nous menotte avec des colsons. Direction les casernes d’Etterbeek, on en ressort 3 heures plus tard. Aucun interrogatoire, on ne nous demande rien. Peut-être vaut-il mieux pour eux, c’est gênant car dans le tas il y a les deux ados du tram et cet homme avec ses courses.

Voilà ce qui est paru dans Le Soir ce lundi 14/09 au sujet de cet incident.

Trente-cinq personnes ont été interpellées dans la foulée de la manifestation, a indiqué le porte-parole de la police, Olivier Slosse. Les forces de l’ordre ont procédé à trois arrestations judiciaires et 32 arrestations administratives. La manifestation s’est disloquée vers 15h30. Mais un certain nombre de manifestants sont restés et ont refusé d’obtempéré aux injonctions policières. «Plusieurs petits groupes ont tenté de poursuivre la manifestation et de relancer le cortège», a précisé le porte-parole de la police. «Cela a conduit à des incidents mineurs, sans gravité. Nous avons toutefois dû intervenir plus fermement dans la rue de la Régence, où 32 personnes ont fait l’objet d’une arrestation administrative et trois d’une arrestation judiciaire en raison de leur résistance».

Rien n’est vrai. Notre délit ? Avoir été les témoins de violences policières.

(5) « Je m’appelle Virginie. Je suis technicienne de surface à l’hôpital psychiatrique Vincent Van Gogh à Charleroi.

Je me suis rendue ce dimanche 13 septembre à la manifestation de La santé en lutte. Manifestation déclarée et autorisée !
Tout se passe bien, on commence tranquillement le rassemblement. Mais après 10 minutes, du coté du boulevard de l’empereur, nous sommes bloquées par un cordon de policiers en armes. Un hélicoptère et des drones nous surveillent !

Après un petit temps on fait marche arrière et nous retournons au Mont des Arts dans la bonne-humeur. Tout se passe pour le mieux quand d’un coup la police débarque de partout ! Autopompe, combis et policiers par dizaines ! Ils chargent alors que la situation était très calme. J’ai juste eu le temps de lever ma main pour éviter de me prendre un coup au visage !

Conclusion deux doigts cassés ! »

Si vous aussi vous avez été témoin de violences policières, n’hésitez pas à nous contacter via Facebook ou lasanteenlutte@gmail.com