Lettre ouverte de La santé en lutte

« Assez, c’est assez. Trois vagues ont eu lieu, plus d’une année s’est écoulée, et nous n’avons vu aucune amélioration des services dans lesquels nous travaillons, de nos conditions de travail, des moyens pour l’ensemble de la population pour accéder à des soins de santé dignes et de qualité. Ce gouvernement n’a fait que distribuer l’une ou l’autre rustine, toujours en retard, avec mépris. Pire, il a choisi de distribuer l’une ou l’autre miette à certain.es d’entre nous, semblant souhaiter semer la division.

Rien qui ne réponde à l’enjeu, qui excusez du peu, nous semble bien de taille. Est-ce que les hôpitaux, les maisons médicales, les maisons de repos, les services de santé mentale, les lieux de soin de terrain, ont vu leurs conditions de financement et de fonctionnement s’améliorer de façon conséquente et pérenne ? Non. Est-ce que les soignants des hôpitaux gérant les cas critiques de personnes hospitalisées des suites du Covid, ont vu leurs équipes doubler, leurs salaires évoluer, le nombre de lits et de moyens augmenter à la hauteur des besoins ? Non. De grâce, que personne ne nous parle statistiques. Crier que la capacité de lits en soins intensifs a doublé ne vient manifestement que cacher que ce pays, parmi les plus aisés au monde, compte 2 000 lits de soins intensifs. 2 000 pour une population de 11 millions d’habitants. 2 000 sur tout un pays, après un an de crise sanitaire. 2 000 et pas un de plus, mais le maintien de secteurs entiers la tête sous l’eau, privés de leurs moyens de subsistance, perdant leurs revenus, fermant boutique, se retrouvant à la rue. 2 000 lits, pas plus, c’est le prix que ce gouvernement est prêt à lâcher – et encore, en endettant plus encore nos structures, car ce n’est qu’avance! – en dépit des milliers d’étudiants qui ne mangent plus à leur faim, d’enseignants au bout du rouleau, de jeunes en dépression, d’artistes en désarroi, de culture supprimée, de vie sociale brimée. 2 000 lits, qui tournent avec les mêmes moyens, les mêmes équipes, transvasées d’un service à l’autre, amputant les autres services de soin. 2 000 lits, et en face des financements d’entreprises pharmaceutiques privées avec des fonds publics, en toute opacité, des brevets gardés privés pour faire du profit, et l’interdiction de nous voir, de nous toucher, d’accompagner nos proches malades ou âgés, d’accueillir nos nouveaux-nés, de soutenir nos jeunes, dans les meilleurs conditions. De qui se moque-t-on ??? De l’ensemble de ce pays, toutes générations confondues.

Nous avons attendu, nous avons serré les dents, nous avons encaissé, vague après vague. Nous avons vu les sociétés privées augmenter leurs bénéfices, se voir « recommander de respecter » les mesures imposées. Nous avons vu les priorités de ce gouvernement comme des précédents : plus de libéralisme, plus de profits, moins de social, moins de services publics dignes. Austérité, coupes budgétaires, restrictions, quitte à aller jusqu’à priver l’ensemble de la population de ses droits les plus fondamentaux. Nous voyons bien les priorités qui sont celles de ces dirigeants politiques. Pour celles et ceux qui n’ont pas perdu leur travail en cette période, et qui n’ont pas perdu leur toit, ce fut travail-maison-travail-maison-travail. Entassés dans les transports qui n’ont jamais doublé en effectif, ni ne sont devenus gratuits. Nous avons vu la misère grandir terriblement et s’étaler toujours plus dans la rue. Nous avons vu votre police réprimer, battre des parents devant leurs enfants dans leur foyer, battre et enfermer des manifestants venus exercer leur droit démocratique le plus fondamental, enfermer, violenter et humilier des enfants. Nous n’avons, malgré toutes les incohérences, parfois grotesques, de vos mesures, pas voulu appeler à de rassemblement massif. Nous avons attendu, tiré sur la corde, en silence. Nos collègues en burn-out se ramassent à la pelle, celles et ceux ayant quitté la profession, celles et ceux ayant perdu tout sens à leur travail. Mais qu’attendions-nous ? Nous répondions à l’urgence, nous refusions « de faire prendre plus de risque » quand bien même il nous apparaissait chaque jour plus flagrant qu’aucun risque supplémentaire n’existait véritablement à se retrouver dehors, masqués. Surtout, nous étions essouflé.es, épuisé.es, à bout. Pour tenir nos engagements professionnels, pour tenir debout auprès de nos proches.

Maintenant nous disons stop. Vous ne pourrez plus faire taire nos voix. Déjà elles éclatent un peu partout, chaque semaine. Toutes et tous les oublié.es, les laisser pour compte, les opprimé.es. Nous avons un même intérêt : un droit réel à la santé !

C’est dans la rue que nous irons, par milliers, réclamer des services de santé accessibles, dignes, de qualité, pour toute la population de ce pays. C’est tous ensemble que nous exigeons un refinancement pérenne des soins de santé, car c’est l’intérêt de l’écrasante majorité de ce pays, que l’on soit un jour professionnel.le le lendemain patient.e.

Ce 29 mai, c’est avec nos collègues de l’Europe entière, que nous serons dans la rue. Les mêmes logiques marchandes, inhumaines, indignes, agissent partout. Ce sont toutes les populations qui en pâtissent, qui perdent chaque jour en droits, en dignité, en santé. Pour une Grande manifestation de la santé et des oublié.es : Acte 2 ! »