Les rives qui enserrent

J’en ai lu, aujourd’hui, de ces statuts qui voulaient parler en mon nom.
J’en ai lu de ces absurdités, sans noms, proférées au nom de ce joli corps qu’est le corps médical.

J’ai donc, avec étonnement, appris que les manifestations de ce week-end étaient une insulte envers le corps médical. Et bien, c’est bien de là que je vous parle, du corps médical: ne parlez pas en mon nom.

Ce qui détruit le corps médical, ce n’est certainement pas le Covid, et encore moins les manifestations contre le racisme et les violences policières.

Ce qui fait violence au corps médical ce sont les coupes budgétaires qui ont été faites dans les soins de santé par les gouvernements successifs.

Ce qui est insultant pour le corps médical c’est les horaires et les salaires de mes collègues infirmiers brancardier, aide-soignants et techniciens de surface…

J’en ai lu aussi des absurdités sur des vitrines, oui c’est moche, bien sûr c’est moche, Mais ce sera probablement en majeure partie remboursé par des assurances.
Évidemment, et je le redis, c’est moche.
Moche…mais pas autant que la rengaine qu’on nous sort après chaque manifestation, après chaque dégât matériel, comme une insulte aux dégâts humains auxquels on n’accorde aucune attention, comme une insulte aux gens qui ont été victimes de violences policières et qui ont été enterrés par nos silences complices.
Une insulte, une violence de ceux qui ne voient même plus leurs privilèges tellement ils sont gros comme des montagnes.

J’en ai lu aujourd’hui des imbécilités, comme si les manifestations de ce week-end étaient responsables de l’hécatombe qui a sévi dans les maisons de repos et de soins.
Comme si les manifestants étaient responsables de ces auberges bas de gamme qui sucent leur pension aux aînés pour des frais d’hôtellerie infâmes et où les infirmiers et aide-soignants sont traités comme de la marchandise et payés comme des chiens.

J’en ai lu des ces statuts imbéciles venant majoritairement de gens « blancs-cravate-chemise » qui vous appauvrissent de plus en plus et préfèrent renflouer des industries et des banques en vous cachant l’évasion fiscale et en vous expliquant que c’est normal de menotter des enfants.

Et pour paraphraser Bertolt Brecht, j’en ai lu de ces statuts ignobles où ils vous disent souvent d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais ne vous disent jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent.

Ils ne savent rien de la dignité humaine et de la grandeur de la solidarité.
Et à chaque fois qu’ils seront menacés par des idéaux humains ils accuseront le coloré, l’étranger, le pauvre, la femme, les différents…et parleront de « morale » ou de « valeurs ».

Selma BM

Photo (c) Krasnyi Collective