COVID-19 : ÉTAT DE LA SITUATION AU 29 MARS 2020

Voilà plus de dix jours que la Belgique est en confinement. Pendant cette période, nous vous proposons de revenir régulièrement sur les différents éléments qui marquent cette épidémie en Belgique.

– Merci pour vos mercis, mais non merci, madame Wilmès.

Comme nous, vous avez certainement suivi l’allocution de la Première Ministre Sophie Wilmès ce vendredi 27 mars. Beaucoup apprécient l’empathie dont elle semble faire preuve dans ces discours. C’est vrai, elle sait faire de beaux discours … Main sur le cœur, elle affirme par exemple reconnaître, mais ne pas accepter, les problèmes de pénurie de matériel. Nous en avons vu d’autres avec le cœur qui saignait. Nous ne sommes pas dupes.

N’oublions pas que ces belles paroles, de circonstance, assorties d’un air peiné, font suite à des années de casse sociale et de restrictions budgétaires dans le secteur de la Santé et dans l’ensemble des services publics. Remettons donc l’église au milieu du village : Madame Wilmès est membre du MR, ce parti qui adopte et défend depuis des décennies une politique antisociale de restriction budgétaire ; Madame Wilmès était Ministre du Budget lorsque le gouvernement a décidé une coupe sombre de 900 millions d’euros dans le budget de la Santé en 2016 ; Madame Wilmès expliquait alors que nous dépensions trop pour les soins de santé et dénonçait la « surcapacité hospitalière ».
Alors oui, Madame Wilmès, vous n’acceptez pas. Ça nous fait une belle jambe, à nous soignant·e·s, de vous savoir peinée parce que nous sommes dans cette situation. Mais c’est vous qui avez contribué à ce triste sort. Vos paroles cachent en réalité votre culpabilité. Aujourd’hui, c’est nous qui faisons face au virus sans le matériel adéquat, qui sommes contaminé·e·s et qui risquons de contaminer d’autres patient·e·s et nos familles. Nous ne vivons pas la même réalité, nous ne partageons pas les mêmes difficultés.

C’est votre politique néolibérale, celle des différents gouvernements qui se sont succédés ces dernières années, qui a organisé la pénurie. C’est votre politique qui provoque ce genre de situation dramatique à laquelle nous devons faire face. Casser la protection sociale, les services publics, les budgets hospitaliers et « ne pas accepter » ensuite qu’ils ne puissent répondre aux besoins de la population, ce n’est pas de l’empathie, c’est de l’hypocrisie, on se demande même si l’on nous considère avec sérieux un tant soit peu.


– « Le gouvernement met tout en œuvre pour assurer notre sécurité. (…) La santé est et reste notre priorité. (…) » – Première Ministre Sophie Wilmès, le 27 mars 2020

Si tel était le cas, le personnel des maisons de repos pourrait dès aujourd’hui être dépisté. Or, votre Ministre de la Santé, Maggie De Block, a refusé récemment de tester le personnel non-hospitalier. Doit-on vous rappeler l’importance de pouvoir soigner nos ainé·e·s sans les contaminer ?

Si tel était le cas, les oubliés du confinement, dans des milieux tels que les prisons, les centres psychiatriques, les maisons de repos, les maisons d’enfants placés, … auraient des masques et des moyens pour aider à éviter la contamination. Rappelons que tous les secteurs ne pouvant respecter les distanciations sociales doivent porter des masques chirurgicaux au risque de devenir des bombes virales. Nous avons pu voir en Italie que les maisons de repos se sont transformées en véritables mouroirs… Ne pas protéger le personnel et les résident·e·s, c’est se rendre complice du virus.

Si tel était le cas, vous feriez fermer dès aujourd’hui tous les secteurs dans les activités non-essentielles. Il est incompréhensible de culpabiliser celles et ceux qui se promènent dans les parcs, tout en laissant ouvert de nombreux lieux de travail non-essentiels, potentiels foyers de propagation du virus. Ce n’est pas pour rien que l’Italie et l’Espagne ont finalement – beaucoup trop tard et après un bilan humain dramatique – décidé de fermer les entreprises. D’ailleurs, nous appelons tous les collègues de ces secteurs à préserver leur santé et à se mettre en grève si nécessaire. Il en va de votre vie et de celle de vos proches.

Si tel était le cas, vous régleriez le problème de pénurie de matériel et de respirateurs en réquisitionnant les industries pour produire des masques, du matériel de protection, de désinfection, et surtout des tests de dépistage.

Si tel était le cas, vous alloueriez des budgets pour les hôpitaux au lieu de les laisser mendier auprès de la population déjà affaiblie par la crise. Rappelons que Maggie De Block a le bon cœur de prêter 1 milliard d’euro aux hôpitaux. Ceux-ci vont devoir rembourser par après, donc probablement prendre à nouveau des mesures d’austérité dans leurs institutions afin de faire des économies. Encore et toujours, des économies, même en pleine crise. Encore et toujours, les mêmes qui paieront.

Si tel était le cas, vous parleriez des 172 milliards d’euros qui se sont envolés de la Belgique vers des paradis fiscaux en 2019 et agiriez en conséquence. Si tel était le cas, vous remettriez en question le sauvetage des banques qui se prépare à hauteur de centaines de milliards d’euros. Et à la place, vous proposeriez une allocation de quarantaine pour permettre aux plus démuni·e·s, à ceux qui ont perdu leur revenu, de se maintenir en bonne santé, de manger à leur faim, de se voir garantir un logement décent, etc.

Si tel était le cas, vous refinanceriez immédiatement notre système de santé, et vous augmenteriez les salaires, les effectifs et les budgets hospitaliers pour garantir des soins de qualité à toutes et à tous.

Mais non, Madame Wilmès, votre priorité n’est pas et n’a jamais été la santé, et encore moins le bien commun.

Quoi qu’il en soit, nous prenons acte des belles paroles de nombreux politiciens en ces heures difficiles. Sachez déjà que nous serons nombreux dans la rue à vous rappeler que notre système de santé doit être renforcé, refinancé et protégé à tout prix. Au cas où vous l’oublieriez à la sortie de cette crise (nous avons malheureusement tendance à le croire) nous viendrons vous le rappeler aux abords de la Rue de la Loi. A bon entendeur.

P.S. : La réunion du Conseil National de Sécurité a eu lieu à la Banque Nationale (banque dont a été régent le père de Madame Wilmès). Hasard ou cynisme ?

Concrètement, nous demandons :

– Un refinancement immédiat des soins de santé et de tous les services publics.

– Une gestion des stocks de matériel à l’échelle fédérale, une réquisition des stocks privés et une redistribution en fonction des besoins.

– une politique de dépistage massif (comme recommandée par l’OMS)

– Du matériel de protection pour tout·e·s les travailleur·euse·s maintenu·e·s en activité ; pour assurer les besoins premiers à la population (supermarchés, hôpitaux, ramassage des poubelles, soins à domicile, entretien ménager, etc.)

– La réquisition de tout le matériel et des respirateurs là où ils sont produits, plutôt que d’augmenter les bénéfices des fabricants avec l’argent offert par la population.

– Une protection plus grande de la population en arrêtant immédiatement toute la production non essentielle afin de limiter réellement au maximum la propagation du virus.

– Des garanties claires de maintien des salaires pour toutes celles et ceux qui sont amené·e·s à arrêter le travail dans ce contexte de crise.

– Une allocation de quarantaine pour toutes celles et ceux qui sont sans revenu salarial.

– Une prise en charge par l’Etat avec participation importante des grandes entreprises pour toutes celles et ceux qui auront à subir une prise en charge médicale liée au coronavirus.

– La reconnaissance automatique comme maladie professionnelle pour tous les travailleurs des secteurs essentiels qui prennent des risques pour leur santé.

– Des contreparties sérieuses pour tout le personnel du secteur qui sera amené à travailler dans des conditions encore plus difficiles dans les semaines et mois à venir.